Une recherche réalisée à l’Université de Grenade révèle l’influence des émotions dans le jugement clinique des professionnels au moment de diagnostiquer une maladie terminale. Pour mener à bien ce travail, une étude qualitative a été réalisée sur un échantillon de 42 entrevues en profondeur afin de connaître la perspective et le discours des professionnels impliqués dans les soins au patient terminal
Les professionnels de la santé chargés de diagnostiquer une maladie terminale perçoivent que, dans l’actualité, « il n’existe pas de critères valables et acceptables pour l’usage du diagnostic » de ce genre de maladies. C’est ce qui découle d’un travail pionnier élaboré à l’Université de Grenade, et publié récemment dans la revue International Journal of Clinical and Health Psychology (UJCHP).
Pour mener à bien ce travail, les chercheurs ont réalisé 42 entrevues en profondeur à un échantillon de 42 professionnels de la santé, 21 médecins et 21 infirmiers, exerçant leur activité professionnelle dans des établissements de Grenade et sa province, et qui travaillent avec des malades terminaux et/ou en état avancé. Parmi les 42 participants, 22 étaient des femmes et 20 des hommes entre 23 et 53 ans ; 17 travaillant dans des centres publics, 18 dans des hôpitaux publics, 4 dans des unités mixtes et 3 dans des centres privés.
Il en ressort de nombreuses conclusions intéressantes. Les réponses des professionnels interrogés sur l’utilisation du diagnostic de maladie terminale (MT) dans leur travail quotidien, démontrent la diversité des situations en rapport avec le genre d’établissement dans lequel ils travaillent (attention primaire et attention spécialisée), et le genre de professionnel dont il s’agit (médecin ou infirmier).
Emploi d’euphémismes
Concrètement, les professionnels qui travaillent dans des centres publics (aussi bien infirmiers que médecins) utilisent et retiennent le diagnostic de maladie terminale pour déterminer la situation clinique de leurs patients.
Cependant, lorsqu’il s’agit de professionnels travaillant dans des hôpitaux publics, les réponses obtenues par les auteurs diffèrent beaucoup : les professionnels infirmiers n’intègrent pas ce diagnostic et préfèrent utiliser un euphémisme ou un synonyme, tandis que les professionnels médecins l’utilisent fréquemment au niveau interne, reconnaissent et déterminent cette situation du patient, mais l’omettent ou bien la déguisent dans leurs rapports.
Le travail réalisé à l’UGR révèle que les professionnels perçoivent des difficultés dans différents aspects du diagnostic, ce qui pose la question sur la possibilité qu’un nombre important de patients n’initient pas de mesures palliatives et, en conséquence, perdent un temps, précieux pour certains, sans assistance médicale et sans mesures spécifiques pour aborder la souffrance et la qualité de vie de la période finale. Les auteurs de ce travail ajoutent que l’on dénature le sens et la fonction des soins palliatifs, vu que les professionnels se sentent affectés par le poids émotionnel d’un diagnostic qui, pour l’imaginaire social, équivaut à une « condamnation ».
Les auteurs de ce travail sont María Paz García Caro, Francisco Cruz Quintana, Jacqueline Schmidt Río Valle, Antonio Muñoz Vinuesa, Rafael Montoya Juárez, Diego Prados Peña et Miguel C. Botella López (Université de Grenade, Espagne), et Atthanasios Pappous (Université de Kent, Royaume-Uni).
Patients avec cancer
Afin d’en savoir plus sur les difficultés que pose l’usage du diagnostic de la maladie terminale et de ses conséquences, les scientifiques ont consulté les professionnels de la santé sur le genre de maladies auxquelles on applique ce diagnostic, ainsi que le moment où il se produit. Pour la plupart des professionnels infirmiers et médecins, la maladie terminale désigne toujours des patients avec cancer, même si un nombre important de ceux qui travaillent dans des centres de santé publics l’associent également à la situation de détérioration avancée de patients avec maladies chroniques et/ou dégénératives non cancéreuses.
Quant au moment de parler de « maladie terminale », un patient est identifié comme terminal quand la situation est préagonique ou clairement agonique, ceci étant une opinion commune pour la plupart des professionnels travaillant aussi bien dans des hôpitaux que dans l’attention primaire.
En ce sens, ce travail attire l’attention sur le fait que l’on compte depuis une vingtaine d’années avec des références et des critères pour délimiter la maladie terminale, du moins en ce qui concerne la maladie oncologique, de sorte que l’on utilise de manière restrictive un diagnostic dont la raison d’être est de situer le moment où la situation du patient requiert un changement dans l’orientation thérapeutique, et le début de mesures spéciales d’attention et d’assistance au patient et à sa famille.
De même, il faut remarquer le manque de références existant dans la bibliographie sur le poids émotionnel que supportent les professionnels face à ce diagnostic, qui se présente dans cette étude comme un facteur clé pour expliquer la raison pour laquelle l’usage de ce diagnostic est problématique, spécialement dans le domaine hospitalier.
Le travail réalisé à l’UGR a souligné le besoin d’améliorer la formation des professionnels quant à la délimitation du diagnostic de maladie terminale, spécialement dans le cas de maladies chroniques et dégénératives avancées, y de chercher à améliorer l’évidence scientifique de ce procédé.
Contact : María Paz García Caro. Département d’Infirmerie de l’Université de Grenade.Tél. : +34 958 242895 ; courriel : mpazgc@ugr.es