Des scientifiques de la Station Biologique de Doñana (CSIC) et l’UGR ont caractérisé la diversité génétique des populations d’une espèce animale (dans ce cas, un rongeur) dans toute son aire de distribution, une information fondamentale pour élaborer correctement des plans de conservation de ladite espèce.
Ce travail a été réalisé par Alejandro Centeno Cuadros, qui a mené à bien sa recherche à la Station Biologique de Doñana (CSIS, Séville) et au département de biologie animale de l’Université de Grenade. Ce travail a été dirigé par les docteurs José Antonio Godoy et Miguel Delibes, de la Station Biologique de Doñana, qui ont abordé conjointement une étude génétique de population et philogéographique de ladite espèce dans toute son aire de distribution (France et Péninsule Ibérique).
Cette recherche a démontré que, pour arriver à comprendre la distribution génétique actuelle des espèces animales, il est nécessaire d’étudier l’ADN sur trois échelles hiérarchiques : l’individu, la population et l’espèce, et donc de recommander aux gérants et scientifiques de cerner ces trois niveaux d’étude. Car, de même que la qualité de l’habitat et l’état des populations, « les organismes chargés de la gestion et conservation d’espèces doivent également veiller à la conservation de la diversité génétique de celles-ci », signale Alejandro Centeno Cuadros.
L’étude la plus complète
Jusqu’à présent, on n’avait pas encore réalisé une étude aussi complète abordant la composante génétique de l’espèce. « Ce qui est encore plus important -souligne le chercheur-, c’est que nous avons cerné des patrons de distribution de diversité génétique du rat d’eau, aussi bien dans l’aire de distribution que chez des populations locales dans des milieux hétérogènes, comme l’environnement de Doñana, obtenant pour cela des os tout comme des individus piégés par notre groupe de recherche. »
Ainsi, ce travail a permis d’approfondir la connaissance de l’histoire naturelle de cette espèce protégée à partir des recherches préalables réalisées par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN pour les sigles anglaises). Gracias à l’information sur la composante génétique de l’espèce qu’a apporté M. Centeno Cuadros, on dispose actuellement d’information suffisante pour élaborer correctement des plans de conservation de l’espèce.
Pour mener à bien cette recherche, M. Centeno Cuadros a obtenu l’ADN à partir d’os de rat d’eau capturés par des rapaces et du matériel de musée, des peaux de rats d’eau provenant de collections scientifiques nationales et internationales, et des tissus frais obtenus chez les populations de rats d’eau de la région naturelle de Doñana et l’environnement de la rivière Bergantes (Castellón).
Les chercheurs ont déterminé ce qui est arrivé au rat d’eau depuis ses origines jusqu’à son comportement actuel aujourd’hui moyennant l’étude de la distribution de la diversité génétique. Pour ce, ils ont obtenu l’ADN fondamentalement des os retrouvés dans des égagropiles de rapaces (restes d’aliments non digérés) qui se sont nourris de rats d’eau.
Grâce à cela, ils estiment que les origines de cette espèce de rongeur se sont produites dans la Péninsule ibérique à la fin du Pleistocène moyen (cela fait 250 000 ans) comme conséquence de l’isolement dans la Péninsule ibérique de son espèce antérieure fuyant les fortes baisses de la température et l’augmentation des glaces se déplaçant du nord au sur de l’Europe pendant la glaciation Mindel.
Contre toute attente pour une espèce décrite comme spécialiste de l’habitat, les scientifiques n’ont pas trouvé d’évidence que le paysage exerce une forte influence sur la structure génétique des populations de rat d’eau. Ce comportement dispersif pourrait être dû à une stratégie de spécialiste en habitat, dont la survie et la persistance des populations dans l’espace et dans le temps dépend de leur capacité pour coloniser des zones optimales pour la reproduction séparées, dans le cas du rat d’eau, par de grandes distances qui dépassent ce qu’on peut attendre d’un rongeur de cette grandeur.
Alejandro Centeno Cuadros signale qu’il faudrait tenir compte des résultats de cette recherche pour l’élaboration de plans de conservation et assurer ainsi la continuité de la diversité génétique de cette espèce, décrite comme vulnérable par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
Références bibliographiques
-Centeno Cuadros, A; Delibes, Miguel; Godoy, J.A. (2009) Phylogeography of southern Water Vole (Arvicola Sapidus): evidence for refugia within the Iberian glacial refugium? Molecular Ecology 18, 3652-3667.
-Centeno Cuadros, A; Delibes, Miguel; Godoy, J.A. (sous presse) : Dating the divergence between southern and European water voles using molecular coalescent-based methods. Journal of Zoology. DOI: 10.111/j.1469-7998.2009.00632.x
Référence: Alejandro Centeno Cuadros. Département de Biologie de la conservation (Station Biologique de Doñana, CSIC) – Département de Biologie Animale de l’Université de Grenade ; portable : 616 055695 ; courriel : acenteno@ebd.csic.es