Garcia Lorca, le mythe encombrant de la fosse d\’Alfacar
Perdue dans une pinède d\’Andalousie, soustraite aux regards, la fosse commune où serait enterré le plus célèbre disparu de la guerre civile espagnole, le poète Federico Garcia Lorca, est sur le point d\’être ouverte, mais elle ne livrera pas pour autant tous ses secrets.
La fosse d\’Alfacar, près de Grenade (sud), était entourée mercredi de clôtures métalliques et de bâches isolantes pour empêcher l\’accès à quiconque, en attendant le lancement jeudi des travaux d\’exhumation qui pourraient durer un à deux mois.
Des gardes surveillent nuit et jour ce lieu de sépulture caché sous un immense chapiteau blanc.
Cette débauche de mesures de sécurité répond surtout à la demande expresse de la famille du poète, qui veut garder le mythe intact et s\’est toujours opposée à son exhumation et à son identification.
Conformément à la loi dite de Mémoire historique, qui permet aux familles des disparus de la Guerre civile (1936-1939) et de la répression franquiste de récupérer les restes de leurs parents ou grand-parents, trois archéologues entameront jeudi l\’exhumation des corps qui reposeraient aux côtés de Lorca.
La fosse sera ouverte à la demande des familles de quatre autres disparus, dont deux anarchistes fusillés par des franquistes en même temps que Lorca et le maître d\’école Galindo en août 1936, un mois après le début de la guerre civile.
«Les gens veulent savoir où se trouvent leur parent pour fermer leurs blessures. Lorca, ce n\’est qu\’un corps de plus», explique la présidente de l\’Association de récupération de la mémoire historique de Grenade, Maribel Brenes.
«Je respecte la décision de la famille de Lorca, sans comprendre en quoi son identification changerait quelque chose», ajoute-t-elle.
Même si la famille de Lorca et celle du maître d\’école refusent à ce jour de donner leur ADN, tous les ossemements retrouvés à Alfacar seront envoyés pour analyse au laboratoire médico-légal de l\’université de Grenade.
Ils y seront comparés aux échantillons d\’ADN fournis par les descendants des autres victimes reposant dans la fosse. Le rapport final ne sera pas connu avant trois, voire six mois.
Le refus catégorique de la famille Lorca a relancé les théories de certains historiens qui affirment par exemple que son père aurait transporté secrètement ses restes dans la maison d\’été familiale la Huerta de San Vicente, à Grenade.
Une des rares questions posées mercredi lors de la visite touristique de cette maison transformée en musée par un touriste anglais portait sur l\’endroit où est enterré Lorca, au désespoir de la guide, «excédée» de voir que «le cadavre du poète intéresse plus que son oeuvre».
«Les morts enterrés dans la fosse de Lanjaron, (près de Grenade également, ndlr) où se trouvent près de 4.500 cadavres, n\’intéressent personne. Il n\’y a pas de mort plus important qu\’un autre», martèle la guide qui veut garder l\’anonymat sur ce sujet «difficile».
«L\’ouverture d\’une fosse ne sert qu\’à une seule chose: démontrer qu\’il y a eu un génocide en Espagne que l\’Europe doit reconnaître en tant que tel», affirme-t-elle.
Selon l\’Association de récupération de la mémoire historique, 11.000 personnes sont portées disparues dans la seule région de Grenade, enterrées probablement dans près de 80 fosses communes. Dans toute l\’Espagne, elles seraient 130.OOO.
Lorca affirmait que «rien n\’est plus vivant qu\’un souvenir». La saga à rebondissements sur la localisation de son corps achève de lui donner raison.
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