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Pourquoi de nombreuses espèces coexistent dans un système complexe

75244 Des scientifiques de l’Université de Grenade et de l’Université de Warwick (Royaume-Uni) ont publié un article dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences, USA) dans lequel ils proposent une possible solution à l’énigme de la stabilité des écosystèmes complexes, comme les jungles amazoniennes ou les récifs de coraux, dans lesquels coexistent de nombreuses espèces similaires entre elles au lieu que quelques-unes déplacent les autres.

 

De gauche à droite, les chercheurs de l’UGR Luca Donetti, Virginia Domínguez et Miguel Ángel Muñoz.

Les chercheurs ont déterminé que les dénommés réseaux trophiques, qui représentent de façon concise qui s’alimente de qui dans un écosystème, possèdent une propriété simple ignorée à cette date, la «cohérence trophique», qui peut aider à résoudre le mystère qu’étudient depuis des années les théoriciens de l’écologie.

Depuis des années, les scientifiques se sentent fascinés par la quantité et variété de formes de vie qui habitent dans des écosystèmes très complexes, comme les jungles amazoniennes ou les récifs de coraux. Comment est-il possible qu’une aussi énorme biodiversité soit apparue spontanément et se maintienne ? Comment est-il possible que de nombreuses espèces coexistent au lieu que quelques-unes d’entre elles déplacent les autres ?

Vue d’une forêt amazonienne

Un des auteurs de cet article, le professeur de Physique Théorique de l’Université de Grenade, Miguel Ángel Muñoz, affirme que l’intérêt pour ces questions a remarquablement augmenté ces derniers temps, «étant donné le rythme sans précédents dans l’histoire de l’humanité auquel s’éteignent des espèces dû à l’impact des activités humaines. Pour cette raison, il est d’une importance vitale de comprendre quels sont les facteurs et mécanismes qui déterminent la stabilité des écosystèmes et les protègent en agissant de la façon la plus efficace possible.»

Lorsqu’une espèce prospère pour une raison quelconque, cela peut être au détriment d’autres, par exemple de leurs proies ou de leurs concurrents, ce qui peut à son tour affecter d’autres espèces. Dans un écosystème, ceci peut donner lieu à de grands changements qui aboutissent à des cascades ou avalanches d’extinctions.

Jusqu’aux années 70 on pensait que, plus grand et complexe est un écosystème, dans le sens de compter avec un grand nombre d’interactions entre espèces, plus ces fluctuations s’atténueraient, ce qui expliquerait pourquoi les écosystèmes les plus stables que nous voyons sont ceux qui présentent une grande biodiversité.

Cependant, en 1972, un éminent physicien et écologue, Sir Robert May, démontra mathématiquement -en utilisant des modèles très simples- que cela devrait être le contraire: la grandeur et la complexité devraient tendre à déstabiliser n’importe quel système dynamique, comme un écosystème ou un réseau financier. Ce résultat, connu depuis lors comme «paradoxe de May», initia un débat enflammé sur les effets de la diversité sur la stabilité.

Organisation par niveaux

Dans le travail publié par la revue PNAS, les scientifiques des universités de Grenade et de Warwick ont analysé un ensemble de réseaux trophiques provenant de très divers types d’écosystèmes. Ces réseaux ont été patiemment compilés par des groupes de recherche partout dans le monde.

Les auteurs de cet article ont mesuré à quel point les espèces s’organisent habituellement par niveaux, de sorte que la majorité des proies de tout déprédateur se trouvent à un niveau inférieur au sien. Par exemple, dans un réseau parfaitement cohérent, les herbivores au premier niveau trophique s’alimentent de plantes (au niveau zéro), les carnivores primaires au second niveau ne mangent que des herbivores, et ainsi de suite.

Bien que cette organisation des réseaux en strates (ou ‘cohérence trophique’) ne soit pas parfaite dans les réseaux naturels (par exemple, il existe des omnivores qui s’alimentent de plusieurs niveaux), elle est sans doute bien plus grande dans les réseaux réels de ce que considèrent ou prédisent les modèles mathématiques actuellement utilisés en écologie.

Cohérence et stabilité

Qui plus est, tel qu’il est démontré dans ce travail, «cette cohérence est fortement reliée à la stabilité des réseaux: à majeure cohérence majeure stabilité», remarque Muñoz. Dans leur article, les chercheurs proposent, de plus, un nouveau modèle mathématique pour générer des réseaux artificiels ou synthétiques (par ordinateur) qui non seulement reproduit de façon plus fiable que les modèles existants à cette date plusieurs propriétés des réseaux trophiques, mais qui en plus démontre sans équivoque que la stabilité peut augmenter avec la grandeur et la complexité.

«Ce n’est pas que May se soit trompé: tel que lui-même l’a signalé dans son travail originel, les écosystèmes doivent avoir une quelconque propriété structurale telle qu’ils ne se comportent pas comme le prédit leur simple théorie basée sur des structures trophiques aléatoires. De fait, May lui-même suggéra que la réponse à l’énigme devait se trouver dans le dessin particulier, ou architecture, des réseaux trophiques», affirme le professeur de l’UGR.

Bien que le débat ne soit pas nécessairement clos, puisque la stabilité mesurée est une condition obligatoire mais pas suffisante pour qu’un écosystème perdure, «ce résultat promet de changer notre vision des écosystèmes, et peut-être d’autres systèmes avec certaines propriétés similaires, comme les réseaux neuronaux, génétiques, commerciaux ou financiers». De plus, tel que l’avertissent les chercheurs, il est indispensable de savoir si un système deviendra plus ou moins stable avec la perte de certains de ses éléments (extinction d’espèces, faillites de banques) si nous voulons empêcher son effondrement.

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